Souvenons-nous, c’était au début des années 1970. Le gouvernement de l’époque souhaite étendre le camp militaire, expulsant 103 agriculteurs. Une décision prise sans concertation qui fera dire à Raymond Lacombe, alors président de la FDSEA de l’Aveyron : « Le symbole de la lutte des régions contre les abus du pouvoir central ». Dix ans durant, ces agriculteurs mèneront une révolte « digne, forte et rieuse », jusqu’à ce que François Mitterrand à peine élu n’enterre le projet. Dans l’histoire de l’humanité, rares sont les révoltes paysannes qui ont réussi. D’autant que ces paysans ne sont pas des révolutionnaires. Bon nombre ont milité à la JAC, votent à droite, se veulent modernistes. Ils rencontrent de jeunes contestataires, venus d’horizons bien différents. La mayonnaise prend. Ensemble ils s’accordent sur ce slogan : « les moutons plutôt que les canons » et jeûnent autour de Lanza del Vasto et des évêques de la région. En décembre 1973, une marche en tracteurs est organisée sur Paris. Mais, à Orléans, les militants de la FDSEA de l’Aveyron, lâchés par la FNSEA, alors présidée par Michel Debatisse, se voient contraints de faire demi-tour. Le syndicalisme agricole s’en trouvera bouleversé. Émerge alors un front de gauche qui donnera naissance aux Paysans-Travailleurs puis à la Confédération paysanne. Par la suite ces militants donneront à cette lutte une dimension internationale, formant ainsi l’embryon de ce que l’on appelle aujourd’hui l’altermondialisme et dont José Bové, qui a fait ses armes au Larzac, en est la figure emblématique.
Avec la sortie, ces derniers jours, du remarquable documentaire de Christophe Rouaud Tous au Larzac, des critiques osent le parallèle entre cette révolte paysanne et l’actuel mouvement des Indignés. A cette différence près que le Larzac se situait dans les Trente glorieuses, mais si la fin était proche, alors que le mouvement des Indignés n’indique pas la fin des « Trente piteuses ». Loin s’en faut !