Le hasard de la vie associative m’a amené ces derniers jours à Colombey-les-Deux-Eglises, village longtemps le plus célèbre de France, qu’avait choisi d’habiter en 1934 Charles de Gaulle et sa famille. « Il reflétait ce paysage et ce paysage le reflétait », dira Jacques Chaban-Delmas, tant ce paysage austère, grandiose et triste de Haute-Marne lui ressemblait. Homme d’armes, le fondateur de la Vème République était aussi un homme de terre. Homme de plume, il a écrit de très beaux textes sur la terre de France, dont celui-ci bien connu sur sa région d’élection : « Cette partie de la Champagne est tout imprégnée de calme : vastes, tristes et frustres ; bois, prés, cultures et friches mélancoliques ; reliefs d’anciennes montagnes très usées et résignées, villages tranquilles et peu fortunés, dont rien, depuis des millénaires, n’a changé l’âme ni la place ». Mais rien à voir avec la terre qui ne ment pas de Pétain ! De Gaulle a été celui qui a le plus réformé l’agriculture, l’ouvrant à l’Europe, l’insérant dans la modernité, en s’appuyant sur les jeunes agriculteurs contre la vieille garde du syndicalisme issue de la Corporation paysanne de Vichy qui le lui rendit bien, en l’obligeant à un second tour lors des présidentielles de 1965.
Séquence nostalgie donc, que ce retour à travers ce lieu sur cette période, qui affichait des taux de croissance que l’on ne retrouvera plus, et où la politique traitait du long terme, ne se réduisait pas à de la communication, nous permettait d’élire des résistants et des rebelles, nous offrait une dimension presque sacralisée du pouvoir, et où quitter le pouvoir prenait des allures de drame shakespearien. Est-ce pour cette raison, que le seul des chefs d’Etat de la planète à posséder aujourd’hui un tel charisme n’est autre que le patron du Vatican… ? Il est vrai qu’il n’a pas à faire campagne pour sa réélection !