Un tiers des travailleurs européens seraient stressés, nous annonce Eurostat, l’office statistique de l’Union européenne. Aux États-Unis, le coût du stress est estimé à 202 milliards d’euros et, au niveau planétaire, il représenterait 4 % du PIB mondial. Le monde agricole est particulièrement concerné par ce fléau qui n’est pas récent. Car les grandes mutations qu’a connues l’agriculture au cours des dernières décennies ont eu un coût humain important, souvent jeté aux oubliettes. Le stress et, parfois, l’acte irréparable qui s’en suit, le suicide, étaient systématiquement occultés.
En effet, s’il est un sujet tabou dans les campagnes, c’est bien le suicide. Et pourtant l’on se suicide deux fois plus dans le monde rural qu’en ville, alors que c’était l’inverse du temps d’Émile Durkheim qui mettait en avant la solidarité mécanique du milieu rural. Depuis la solidarité n’est plus ce qu’elle était et le contexte actuel n’améliore pas les choses, avec, pour beaucoup d’agriculteurs, les dettes, les difficultés financières, l’incapacité à dégager un revenu décent, l’impossibilité de se projeter dans l’avenir, l’isolement dans la précarité … Car s’ils sont très encadrés techniquement, les agriculteurs le sont beaucoup moins sur le plan humain. On parle d’un suicide par jour dans le milieu agricole, d’autres évoquent le chiffre de 800 suicides par an. Toujours est-il que taux de suicide est plus important chez les agriculteurs que dans les autres professions. Quel que soit le nombre, c’est autant de drames, dans l’indifférence générale, parce que lieux de vie et de travail se confondent. Et pourtant la souffrance des agriculteurs est aussi grave que celle des agents de France Télécom ! Les choses sont-elles en train de changer ? Des groupements féminins de développement mettent en place des formations pour apprendre à gérer le stress. Et, après des décennies de déni de la part des autorités, le ministre de l’Agriculture vient d’annoncer un plan de lutte, estimant que le suicide ne doit « plus être un sujet tabou ».