Avec ces longues journées et nuits de tractations, entre tensions et suspensions de séances, éclats de voix et coups de bluff, pour aboutir à un compromis de dernière minute, quand l’Europe se retrouve au pied du mur, le récent Conseil européen n’échappe pas à cette dramaturgie bruxelloise. Car la construction européenne, de la chaise vide du général de Gaulle aux demandes de rabais de Madame Thatcher, s’est toujours faite dans la douleur. Voilà pour la forme. En ce qui concerne le fond, après des décennies d’alignement sur les théories libérales, l’accord, obtenu la semaine dernière et porté par un axe franco-allemand retrouvé, marque un changement de taille. La Covid 19 est passée par là, avec ce changement de pied de l’Allemagne, hier intransigeante avec la Grèce, aujourd’hui acceptant une mutualisation de la dette et un emprunt de 750 milliards d’euros, dont la moitié sera reversée sous forme de subventions aux pays qui ont le plus souffert de la pandémie. Ce qui va se traduire par plus de solidarité au sein de l’Union, après des années de chacun pour soi. Un retour aux sources, lorsque les Pères de l’Europe mettaient en bonne place au fronton des institutions communautaires la solidarité.
Certes il a fallu rogner sur les dépenses, la PAC et les politiques de cohésion territoriale connaîtront une érosion tandis la défense, la sécurité et la santé ne disposeront pas les fonds escomptés. Certes les divergences demeurent et les égoïsmes nationaux n’ont pas disparu, comme en témoigne l’attitude des « Frugaux », Pays-Bas en tête, avec la Suède, le Danemark, l’Autriche et la Finlande, qui, menace de véto en main, ont obtenu de nouveaux rabais dans leur contribution au budget de l’Europe. Mais le rapport de force a changé. Le Royaume Uni a quitté le navire européen, tandis que l’Allemagne, la Belgique, le Luxembourg et l’Irlande, conscients des risques de désintégration, ont choisi plus d’intégration rejoignant la position de la France et des pays du Sud. Un signe positif, en ces temps de pandémie qui aurait pu nous mener au repli sur soi…