En 2014, l’écrivain Jean-Louis Fournier pointait du doigt non sans humour dans un magnifique petit livre Trop les travers de notre société de consommation. Trop de tout, de quoi nous donner le tournis, mais aussi trop de déchets en aval. La semaine dernière l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), chiffrait notre gaspillage alimentaire à 108 € par personne et par an, 16 milliards d’euros pour la France, soit l’équivalent de 20 milliards de repas (à titre de comparaison les restos du cœur en ont distribué l’an passé 130 millions). A tous les stades, on gaspille : à la production 32 % des dix millions de tonnes de nourriture parties à la poubelle, à la transformation (21 %), à la distribution (14 %) et à la consommation (33%). Bref nous sommes tous responsables et tous coupables.
Les chiffres au niveau mondial sont encore plus sidérants. Selon les Nations Unies, un tiers de la production agricole, soit 1,3 milliard de tonnes de nourriture, est gaspillé. C’est en tonnage deux fois la production mondiale de blé et trois fois celle de riz. En diminuant même de peu ce gaspillage, on pourrait nourrir plus que convenablement les 900 millions d’habitants de la Terre qui ne mangent pas à leur faim. Pour la plupart, paradoxalement, des travailleurs de la terre !
Le gaspillage se situe aussi en amont. Que de travail fourni, que d’énergie consommée, que de CO2 rejeté, que d’eau utilisée… pour rien ! Jeter 100 grammes de viande, c’est gâché les 1 300 ou 1 500 litres d’eau dont a besoin l’animal jusqu’à notre assiette, soit la consommation domestique quotidienne d’une famille de cinq personnes. Une baguette de pain à la poubelle, ce sont 250 litres qu’on laisse filer. « Ce qui me scandalise, a dit un jour Mère Teresa, ce n’est pas qu’il y ait des riches et des pauvres : c’est le gaspillage. »