Il y a 40 ans, Jacques Poly, alors directeur scientifique à l’INRA, remettait son rapport « Pour une agriculture plus économe et plus autonome », annonciateur des débats qui allaient suivre autour des liens entre agriculture, environnement et recherche. A l’époque, il y avait plus d’un million d’agriculteurs et Jacques Poly plaidait pour le maintien d’une « population agricole active à un niveau raisonnable ». Quatre décennies plus tard, on recense 437 000 exploitations et les exploitants ne représentent plus que 1,8 % de la population active française, comme le soulignait Bertrand Hervieu, le président de l’Académie d’agriculture lors de la séance de rentrée de la compagnie. Ce chiffre est le résultat d’une longue tendance à la baisse qui voit deux exploitations disparaître lorsqu’il ne s’en créé qu’une. En quelques décennies, les agriculteurs encore majoritaires dans la population au début du XXème siècle sont devenus une minorité. Une situation unique ! D’où cette prise de conscience douloureuse pour les intéressés, d’autant plus mal ressentie aujourd’hui, comme le précise Bertrand Hervieu, que « moins il y a d’exploitants et d’exploitations, plus le monde agricole se désarticule ». Car si l’agriculture familiale, souvent en difficulté et à contre-courant des rythmes de la société, demeure majoritaire, l’agriculture sociétaire concerne désormais plus du tiers des exploitations et les deux-tiers de la superficie. Par ailleurs émergent à la fois un modèle d’agriculture de firme qui obéit à des logiques financières transnationales, sous-traitant souvent l’ensemble des travaux agricoles, et d’autres formes d’agricultures alternatives souvent menées par des acteurs non issus du monde agricole. La situation au niveau mondial est tout aussi éclatée ; ce qui ne facilite guère la définition de politiques agricoles. Il faudra apprendre à gérer cette diversité et bien au-delà des frontières de l’Europe…