« Ne pas accorder d’attention à la beauté du monde est un crime d’ingratitude », écrivait la philosophe Simone Weil. En un temps où se mêlent tant d’incertitudes et d’inquiétudes, notre capacité d’émerveillement en la nature et en l’homme est un bon antidote à l’esprit ambiant. Et le documentaire, – qu’a proposé mercredi France 3, mais que l’on peut regarder sur le site France.tv-, un pasteur, mêlant grandioses paysages alpestres et passion d’un jeune berger, est exaltant. Le réalisateur Louis Hanquet, – lauréat du Grand Prix du documentaire national au Fipadoc pour son premier long métrage -, a filmé avec délicatesse, pendant près de deux ans, Félix Girard, un berger de 32 ans, attaché à la tradition du pastoralisme. Pas question, pour lui, de laisser ses bêtes en bergerie. On suit Félix dans sa transhumance de plus de 200 kilomètres effectués à pied, et non comme c’est très souvent le cas en camion.
Econome en mots, mais expressif par les gestes et l’émotion qu’il transmet, on le voit isolé dans sa petite cabane pendant des mois avec pour seule compagnie ses brebis et ses chiens. On découvre son sens aiguisé de l’observation et sa parfaite technicité à soigner ses animaux…mais aussi la sensibilité qu’il met à recouvrir de pierres le cadavre d’une brebis égorgée par un loup. Même émotion lorsque son père évoque ces 21 agnelles qui se sont faites massacrées en une seule nuit, reconnaissant lui-même sa responsabilité ! Mais il n’y a pas que les prédateurs, Félix se montre encore plus inquiet par l’évolution climatique et son impact sur ce mode d’élevage : moins d’herbe et une herbe qui sèche plus vite. Enfin, comme pour contrecarrer l’âpreté du métier, on l’entend lire un poème de Fernando Pessoa qu’il copie pour son père, car, dit-il, « ça parle de nous » : « Mon âme est semblable à celle d’un pasteur, elle connaît le vent et le soleil. Elle va la main dans la main avec les saisons… Le troupeau, ce sont nos pensées et nos pensées sont toutes des sensations… »