Traverser les villages en cette période estivale donne l’impression que le monde rural n’a guère changé. Cela tient à la nostalgie d’un monde d’avant mais ne résiste pas à l’enquête. Le sociologue Jean-Pierre Le Goff a analysé ce phénomène, dans La fin du village, à travers le bourg de Cadenet dans le sud du Lubéron. L’auteur y décrit les bouleversements de ces cinq décennies, notamment le déclin des activités majeures. L’agriculture a perdu 40 % de ses terres et certains prévoient que d’ici 50 ans il n’y aura plus de terres cultivables en PACA. La vannerie a disparu ; ne demeure qu’un musée. A Cadenet, il y a quelques décennies, les gens étaient pauvres, mais joyeux et solidaires. Il fallait travailler dur pour gagner sa vie, mais les rapports humains faisaient le sel de la vie. Puis la télévision et la voiture sont apparues. L’arrivée de nouveaux habitants, des jeunes couples voulant vivre à la campagne tout en travaillant à la ville, des néo-ruraux, et plus tard des gens beaucoup plus fortunés a bouleversé le lien social. La vie associative s’est fortement développée, répondant aux besoins des uns et des autres, sans pour autant faire revivre le lien social. Désormais la mentalité du village n’a plus grand-chose à voir avec celle des agriculteurs et des vanniers. Le rapport au temps, au travail, à l’environnement, aux autres en a été bouleversé. Le soir, les rues sont vides. Le chômage s’est accru en même temps que les divorces et le Parc naturel régional a « bureaucratisé » le lien avec la nature. Microcosme du mal-être social, Cadenet est devenu, pour l’auteur, un village bariolé. Le livre commence au bar des boules, le « refuge du cœur du village » dans une ambiance à la Pagnol, et se termine dans ce même café, avec le patron qui déclare : « Nous sommes une espèce en voie de disparition, seulement nous, on ne nous préserve pas ». La fin du village – Jean-Pierre Le Goff – Gallimard – 2012 – 26 €.